LES FEMMES CARROSSIERS APPRECIEES POUR LEUR PRECISION

Peu de filles suivent cette formation

Sheila Diddens, élève en Carrosserie aux Technische Scholen à Malines, a été mise à l'honneur le jeudi 13 mars dernier. Son école ainsi que la fédération automobile Febiac estimait qu'il était grand temps d'attirer l'attention sur les jeunes filles du milieu de la carrosserie, puisque apparemment, les garçons n'ont pas le monopole des voitures et de la carrosserie. Sheila est une des quinze filles en Flandre qui suivent une formation en Carrosserie. CarFix a rencontré sa classe et s'est rendu sur son lieu de stage, conquis par le travail de la jeune fille.

Carrosserie aux TSM

Sheila Diddens (17) de Tisselt suit la formation Carrosserie aux Technische Scholen de Malines (TSM). Cette formation professionnelle s'étale sur deux ans. Après la 5e et la 6e secondaire, il est possible de suivre une 7e année de spécialisation. En 6e année, on prévoit en moyenne 25 jours de stage. Quand on veut travailler dans les voitures, on ne rechigne pas à se salir les mains, et pour peu qu'on s'intéresse à la carrosserie, cette formation offre sans aucun doute tout ce qu'il faut. Le programme comprend le montage et le démontage des pièces de car-rosserie, le débosselage, l'électricité automobile, le soudage et, bien sûr, la peinture. Tout pour être capable de réparer ou rénover une carrosserie ou de la tôlerie.

Quinze filles en Flandre

Sheila est actuellement en6e année. Sa classe compte neuf élèves, dont huit garçons et elle-même. Elle est donc la seule fille de la classe, mais elle n'est pas la seule à rejoindre des classes de garçons. “Parmi les quelque 500 élèves en option Carrosserie en Flandre, on dénombre quinze filles", explique Dirk Goyvaerts, conseiller technique auto/car des TSM. “C'est peu, mais la gent féminine est donc bel et bien représentée dans la carrosserie", ajoute Joost Kaesemans, directeur de la communication de la fédération automobile belge Febiac. “Et je dois reconnaître que la Febiac n'y a pas vraiment prêté attention par le passé. Les actions mises en place pour faire la promotion de l'option Carrosserie ou pour redorer son image auprès des jeunes s'adressaient surtout aux garçons. Mais les choses vont changer. Dès aujourd'hui, nos campagnes seront ciblées sur les jeunes passionnés et intéressés par la carrosserie, qu'il s'agisse de filles ou de garçons."

Passionnée par la carrosserie

La passion, c'est tout ce qui anime Sheila. Dès l'école primaire, elle savait ce qu'elle voulait faire. “Avec mes amis, je ne parlais que de voitures, de tuning et de techni-ques de peinture", elle se souvient. “Lorsque j'ai dû choisir mon futur métier, je n'ai pas dû réfléchir longtemps. Les voitures, il n'y a que ça qui m'intéresse." Sheila a suivi un parcours idéal: elle a commencé par l'option métal et électricité, pour passer ensuite aux techniques de tôlerie avant d'étudier la mécanique de base. “Même si l'option Carrosserie ne nécessite pas de formation préalable, le parcours de Sheila s'inscrit parfaitement dans ce qu'elle fait actuellement, de la carrosserie", explique Said Ibrahimi, son professeur de Carrosserie aux TSM. “Cette jeune fille est littéralement animée par sa passion pour la carrosserie." “A la base pourtant, je pensais plutôt m'orienter vers le tuning", explique Sheila. “Pour suivre une formation en tuning, il faut cependant avoir suivi une formation en carrosserie. Et tant mieux, car j'adore vraiment ce qu'on fait en carrosserie. La peinture, c'est vraiment mon truc, mais j'aime aussi le travail plus dur, comme poncer, forer, polir et souder." Sheila espère travailler comme peintre en carrosserie après ses études. “Dans une entreprise de carrosserie, ou peut-être comme indépendante, qui sait." Si elle devait choisir une option pour son année de spécialisation, elle s'orienterait vers le paint brush.

Pas forcément évident

“Mon entourage m'a toujours soutenue, mais m'a aussi mise en garde", poursuit Sheila. “Ce ne serait pas toujours simple. Et ils avaient raison. J'ai connu des moments vraiment difficiles. La carrosserie, c'est toujours un métier d'homme, et ce n'est pas évident d'y trouver sa place quand on est femme. En classe surtout, mais sur mon lieu de stage, il y a eu un véritable déclic et je suis tout à fait intégrée parmi les collègues." En classe aussi, les mentalités commencent à changer. “Avec le temps, Sheila gagne de plus en plus le respect de ses condisciples", continue son professeur, Said Ibrahimi. “Tout simplement parce qu'elle est douée. Elle n'a rien à envier à personne en matière de compétences techniques."

Une championne

“Bien au contraire, elle excelle même dans certains domaines", ajoute son professeur. “Elle est très minutieuse et plus précise que les garçons. Pour le collage des protections et le mélange de pein-ture, c'est vraiment une championne. L'œil féminin est nettement plus précis quand il s'agit de reconnaître et de reproduire des couleurs." Sur son lieu de stage, on entend le même son de cloche. “Sheila est sûre d'elle quand elle travaille", explique Jürgen Petzel, gérant de la Carrosserie BodyRepair à Willebroek. “Elle travaille avec délicatesse et précision. Des qualités très appréciées dans la carrosserie."

LES FEMMES DANS LA CARROSSERIE

Travail d'équipe

“Sheila est notre premier carrossier féminin", continue Jürgen Petzel. “En Belgique, les femmes sont rares dans la carrosserie, mais en Allemagne par exemple, elles sont beaucoup plus nombreuses. Précisément pour leur souci prononcé du détail et leur appréciation précise des couleurs." Mais le travail plus lourd peut représenter un obstacle aux femmes. “La carrosserie, c'est un travail d'équipe", selon Said Ibrahimi. “Si une pièce est trop lourde pour Sheila, ou si elle n'y arrive pas seule, les garçons de la classe n'hésitent pas à l'aider." Il en va de même sur son lieu de stage. “Je dois bien reconnaître que nous ne lui confions pas du travail trop lourd", explique Jürgen Petzel. “Pas parce que c'est une fille, mais parce que nous savons qu'elle n'en a pas l'ambition. Sheila préfère de loin les préparations des véhicules, et la peinture. Nous voulons lui laisser l'occasion de se plonger pleinement dans ce à quoi elle se destine."

Pénurie de carrossiers

Sheila s'est rendue chez BodyRepair après avoir reçu dû refuser un stage dont la demande avait pourtant été acceptée. “Il n'y avait pas de toilettes ni de vestiaires pour femmes", explique Jürgen Petzel. “Mais c'est le cas chez nous. BodyRepair emploie des femmes, mais seulement dans les bureaux." Les infrastructures des TSM sont aussi adaptées. Environ 30% des élèves sont des filles, mais dans l'option Carrosserie, elles restent sous-représentées. De toute l'histoire des TSM, Sheila est la troisième fille à suivre la formation en carrosserie. C'est donc assez exceptionnel. Les TSM apprécient le fait que Sheila veuille être carrossier. “Et à juste titre", poursuit Joost Kaesemans de la Febiac. “Nous serons confrontés à l'avenir à une pénurie de carrossiers. Beaucoup vont prendre leur retraite et les jeunes ne sont pas assez nom-breux. C'est pour cela qu'il faut aussi encourager les filles."

Quand on veut, on peut

“Nous sommes fiers que Sheila ait osé s'inscrire en Carrosserie", selon Dirk Goyvaerts des TSM. “Elle tient bon et est bien décidée à terminer cette formation." Sheila s'est vu remettre une statue des TSM en cet honneur. La Febiac lui a aussi remis un petit cadeau. “Nous espérons que Sheila deviendra un exemple pour les autres jeunes filles", continue Joost Kaesemans. “Sheila est la preuve qu'une femme peut faire un carrossier accompli." Pendant la journée portes ouvertes des TSM le 18 mai prochain, Sheila réalisera un exercice de peinture. “Cela pourra peut-être convaincre les jeunes filles intéressées de franchir le cap", conclut Dirk Goyvaerts.