LE STOCKAGE EN BATTERIE POURRAIT-IL COMBLER LE FOSSE DU PHOTOVOLTAIQUE?
Faisabilité technologique et économique d'une application résidentielle
Le fait qu'il existe un fossé non négligeable entre le profil de rendement des panneaux PV et la consommation énergétique effective d'une famille moyenne n'est un secret pour personne. Et le fait que les utilisateurs ne pourront peut-être bientôt plus bénéficier du compteur inversé non plus. Avez-vous déjà réfléchicomment votre client pourra tirer le meilleur parti de son installation PV, tant sur le plan énergétique que financier? Ceux qui comptent sur les systèmes de batteries actuels (et futurs) pour cela n'ont pas tort, mais pas raison non plus. Jurgen Van Ryckeghem (UGent/Howest) s'est penché sur la question lors d'une journée d'étude Nelectra.
LES BONS CRITERES
Toute personne en charge de dimensionner un système PV résidentiel peut le faire sur la base de la consommation annuelle: un ménage moyen avec une consommation annuelle de 3.500 kWh obtiendra une installation qui produit la même quantité. Grâce au compteur qui tourne à l'envers, c'est la solution la plus intéressante d'un point de vue financier. Le réseau de distribution est moins bien desservi par cette solution. C'est aux heures creuses de consommation qu'une grande partie de l'énergie solaire est produite, pour ensuite être réinjectée en masse dans le réseau, ce qui peut provoquer des encombrements. L'utilisateur est voué à perdre son gros avantage financier au moment où l'on supprimera le compteur inversé. Il est essentiel de privilégier une vision différente de l'efficacité et du dimensionnement d'une installation PV. Selon M. Van Ryckeghem, deux critères sont incontournables: l'autosuffisance et l'autoconsommation.

Autosuffisance (as)
L'autosuffisance est définie comme la proportion de la consommation totale qui découle (directement) de l'énergie produite par l'installation PV. Dans une installation classique, avec un rendement annuel égal à la consommation, l'autosuffisance est généralement d'à peine 30%. Cela signifie que plus de 70 % de l'énergie pour ce ménage provient du réseau de distribution.
Autoconsommation (ac)
L'autoconsommation est la proportion de l'énergie solaire produite qui est consommée (immédiatement) dans la maison. Si le rendement annuel de l'installation est égal à la consommation annuelle moyenne de la famille, cette autoconsommation se situe au même niveau que l'autosuffisance, soit un peu moins de 30%. En d'autres termes, la majeure partie de l'énergie produite est réinjectée dans le réseau de distribution.
OBJECTIFS REALISTES
Afin d'optimiser un système PV et de combler l'écart entre le profil de rendement et de consommation, il est essentiel d'accroître à la fois l'autosuffisance et l'autoconsommation. Un système PV parfait obtiendrait un score de 100% sur les deux critères.
Avec un système PV classique, un tel résultat est, vu l'énorme décalage entre les profils de rendement et de consommation, évidemment irréalisable. Mais peut-être pensez-vous pouvoir changer cela avec un système de stockage? Dans tous les cas, Van Ryckeghem est convaincu que le stockage en batterie peut jouer un rôle important dans l'optimisation des installations PV, bien qu'il tienne à souligner quelques remarques importantes dès le départ.
MDE comme stratégie de base
Tout d'abord, le stockage sur batterie entraîne toujours une perte d'efficacité, ce qui signifie que ce n'est jamais la solution la plus intéressante. Une stratégie primaire doit donc être mise en place pour intervenir sur le profil de consommation et/ou de rendement via, par exemple, la Maîtrise de la Demande en Energie. Par exemple, selon le profil de l'utilisateur et contrairement à ce qui a été avancé pendant des années, il peut être intéressant d'orienter une installation PV vers l'ouest. Le rendement total peut être inférieur, mais étant donné que le profil de rendement (avec un pic autour de 16 heures au lieu de 12 heures) sera désormais plus proche du profil de consommation, on peut s'attendre à une augmentation de l'autoconsommation, en termes relatifs et absolus.
100% off-grid : un objectif irréalisable
Deuxièmement, les batteries d'aujourd'hui ne sont pas en mesure de fournir un stockage saisonnier. Ceci alors que l'écart entre le rendement et la consommation se situe à la fois au niveau jour/nuit et au niveau été/ hiver. Même si la première lacune peut être comblée par une série de batteries, il ne sera toujours pas possible de stocker l'énergie produite en été pour l'utiliser en hiver. Est-ce bien nécessaire de viser l'autosuffisance à 100%? "Techniquement, tout est possible," explique Jurgen Van Ryckeghem, "mais cela nécessiterait un surdimensionnement considérable de l'installation et du parc de batteries. Au bout du compte, cela ne profitera pas à l'autoconsommation, sans parler de l'énorme investissement nécessaire."
Vers un optimum technico-économique
Il est beaucoup plus efficace d'utiliser le stockage en batterie pour rechercher un optimum technico-économique dans lequel l'autoconsommation et l'autosuffisance augmentent suffisamment, sans que cela n'implique d'énormes investissements.
PRIVBILEGIER LE SOUS-DIMENSIONNEMENT A SON CONTRAIRE
Le gain précis en termes d'autoconsommation et d'alimentation pouvant être obtenu avec le stockage en batterie dépend de la capacité et du parc de batteries. Des recherches ont démontré qu'un banc de batteries de 1 kWh de capacité de stockage utilisable (!) pour 1 MWh de consommation - en réalité, cela signifie, selon le type de batterie, une capacité de stockage de 1,25 à 2 kWh pour 1 MWh -, pour une installation où rendement annuel et consommation sont équivalents, est en tout cas l'optimum techno-économique. Bien qu'un plus grand parc de batteries puisse atteindre des chiffres encore plus élevés, sa valeur ajoutée s'amoindrit. Cela s'explique par les coûts en hausse constante. Un surdimensionnement de l'installation PV elle-même ne crée pas non plus de valeur ajoutée immédiate: de nombreux panneaux supplémentaires sont nécessaires pour faire une différence substantielle, le prix à la consommation augmente et l'autoconsommation diminue. Un sous-dimensionnement, par contre, peut être intéressant. En effet, il implique d'emblée un coût d'investissement inférieur et une plus grande autoconsommation, et nécessite également moins de batteries.

AU-DELA DU LOGEMENT INDIVIDUEL
Selon Jurgen Van Ryckeghem, si l'on veut tirer encore plus d'avantages du stockage en batterie, il est crucial d'oser regarder au-delà du logement individuel - et donc au-delà du client individuel. Au sein d'un quartier ou d'un groupe de maisons, on observe une plus grande répartition de la consommation, avec pour résultat que les pics sont beaucoup plus atténués, ce qui permet d'utiliser les batteries de manières bien plus efficace. Cela profite non seulement à la durée de vie des batteries, mais augmente surtout la consommation des utilisateurs à environ 63% (à 1 kWh de stockage par MWh de consommation). Reste encore à savoir comment réaliser cela dans la pratique. Le client moyen ne s'occupe que de ses propres installations, et doit déjà se plier à de nombreuses prescriptions et exigences (voir encadré). De nouveaux modèles (de marché) devront donc encore être développés pour cela, même s'il n'est jamais trop tôt pour encourager vos clients à le faire.
CONCLUSION
La batterie n'apporte donc pas de solution miracle. Même avec une grande capacité de stockage (abordable), l'indépendance totale du réseau n'est pas envisageable. Toute personne qui recommande ou envisage son utilisation devra garder à l'esprit des attentes et des prévisions réalistes. Il est aussi très important de s'imposer pour ce faire un exercice d'optimisation plus large encore, qui prendra en compte le profil de consommation spécifique. Pour ce qui est de la faisabilité financière et de la période d'amortissement des batteries, le temps nous en dira plus sur le bilan final. L'évolution future de presque tous les facteurs - prix de revient, subventions, tarification - reste inconnue à ce jour.
INTEGRATION D'UN BANC DE BATTERIES
Composants
Si l'on veut intégrer un système de stockage dans une installation photovoltaïque résidentielle, cela implique de des exigences et des composants supplémentaires. Outre le raccordement au réseau de distribution et au système photovoltaïque, un tel dispositif nécessite, entre autres:
- un banc de batteries;
- un onduleur/contrôleur de charge ou un onduleur interactif de réseau; et
- un relais de découplage.
L'onduleur interactif réseau intègre non seulement la commande intelligente, mais il permet surtout de travailler en îlot en cas de panne du réseau. Le relais de découplage offre une sécurité supplémentaire pour éviter l'injection d'électricité dans le réseau dans un tel cas. Dans certains cas, il sera directement intégré dans l'onduleur interactif de réseau; dans d'autres cas, il devra être ajouté séparément.
Réglementation
Bien entendu, ces installations doivent respecter certaines règles, prévues pour éviter que l'utilisateur ou le réseau de distribution ne soient mis à mal par l'intégration. Il s'agit en principe du règlement Synergrid C10/11, bien qu'il soit actuellement en cours de révision. L'un des objectifs de cette révision est d'intégrer les dispositions nécessaires concernant les batteries de stockage. Attendez-vous donc à un certain nombre d'ajustements par rapport aux réglementations connues!
Les conditions d'utilisation des onduleurs et des relais de découplage interactifs au réseau sont décrites dans les documents Synergrid C10/26 et C10/21.
Amortissement
Prenons, par exemple, une installation PV résidentielle d'un rendement de 5.000 kWh, des batteries pour un total de 5 kWh et une autoconsommation de 60%. En d'autres termes, 3.000 kWh du rendement PV sont destinés à la consommation, les 2.000 kWh restants doivent être puisés depuis le réseau. Le prix moyen est d'environ 0,28 euro par kWh. Sans l'utilisation d'un compteur qui tourne à l'envers, cela représente un coût annuel pour l'utilisateur de 560 euros (hors frais de distribution).
Pour l'instant, cependant, avec le compteur inversé, une installation PV similaire (avec ou sans batterie de stockage) ne coûte à l'utilisateur que le tarif du prosommateur, en l'occurrence 600 euros (hors frais de distribution). Sachant que la batterie proposée coûte aujourd'hui plus de 10.000 euros, il semble que l'investissement ne soit pas (encore) rentable.
Reste à savoir toutefois comment évolueront les mesures et la structure de tarification propres à l'importation des compteurs numériques et lors de la suppression du compteur qui tourne à l'envers. Il faudra aussi savoir si et comment les subventions annoncées prendront forme. Dans la mesure où rien de tout cela n'est clair aujourd'hui, il faudra encore attendre avant d'établir le bilan financier réel.