Installerez-vous bientôt des installations d’hydrogène?
Une nouvelle technologie peut changer les règles du jeu

Vous avez sans aucun doute suivi les informations relatives au panneau solaire à Leuven qui produit de l’hydrogène. Certains constructeurs automobiles développent des voitures qui roulent à l’hydrogène. Dans le port d’Anvers, un navire navigue à l’hydrogène. Et aux Pays-Bas a été présentée récemment une maison qui fonctionne totalement à l’hydrogène off-grid. Y a-t-il aussi des conséquences pour l’électricien?
qu’est-ce que l’hydrogEne?
Les limites de notre globe terrestre sont peu à peu atteintes. La pression de la population engendre des problèmes environnementaux et des pics de consommation d’énergie. Pour répondre à la consommation d’énergie, la technologie est présente sous forme d’énergie nucléaire, mais les catastrophes de Tchernobyl et de Fukushima nous apprennent que l’humanité est incapable d’endiguer les risques potentiels de cette technologie. De plus, les récents projets de nouvelle construction rencontrent de graves problèmes: 10 ans de ralentissement et un coût multiplié par quatre à Flamandville (France) et annulation tardive d’un projet déjà prévu à Hinkley Point en Angleterre en raison des coûts exubérants. En d’autres termes: en Occident, l’énergie nucléaire est en perte de vitesse selon toute vraisemblance.
La question se pose de savoir quelle peut être l’alternative. Les sources d’énergie fossiles ne sont pas logées à meilleure enseigne, vu la problématique du CO2. Les sources d’énergie renouvelables, alors?
CaractEre fluctuant
Trois fois hélas, car l’énergie renouvelable est encore une utopie en tant que source d’énergie pour tous les usages.
Sous le vocable renouvelable, nous distinguons cinq formes principales: biomasse, force hydraulique, force éolienne, énergie solaire et chaleur terrestre. Ensemble, elles représentaient en 2017 21,2% de la consommation d’énergie mondiale. Mais vu que la problématique figure à l’agenda depuis les années 70 du siècle dernier – la crise pétrolière, c’est en fait un résultat très limité. Où donc se situent les problèmes?
Cela nous entraînerait trop loin, pour analyser en détail ici toutes les embûches de la biomasse (l’amenée), de la force hydraulique (pas possible partout) et de la chaleur terrestre (encore en plein développement), mais nous mettons en exergue celle des énergies éolienne et solaire. L’énergie éolienne n’existe que s’il vente, et ne bénéficie donc pas d’une amenée stable. Le problème de l’énergie solaire photovoltaïque est comparable, mais plus vaste encore: l’amenée s’arrête durant la nuit, mais en hiver aussi, l’amenée existe à peine. Comme les possibilités de stockage sur batteries restent limitées dans le temps et dans la durée, nous ne pouvons pas encore parler d’alternative valable. Mais précisément ici, l’hydrogène peut engendrer une révolution.
Pas de source, mais un vecteur
Cela nous amène à la fonction de l’hydrogène: il agit uniquement comme milieu de stockage de l’énergie. Ce n’est donc pas une source d’énergie en soi comme le gaz ou l’électricité. Il peut stocker l’énergie produite, de quelque source que ce soit, et permet de redonner à cette énergie sa forme originale dans une phase ultérieure. L’hydrogène n’est donc pas une source d’énergie renouvelable en soi, car elle peut tout autant stocker l’énergie provenant de sources fossiles. La question est de savoir où obtenir cet hydrogène, car ce n’est pas un minerai comme l’uranium ou le charbon. Nous retrouvons les molécules d’hydrogène dans la nature uniquement combinées avec d’autres éléments. H2O – l’eau donc – est l’exemple le plus connu, mais quiconque a bien écouté le cours de chimie, se rappelle peut-être encore les hydrocarbures avec notamment le propane (C3H8), butane (C4H10) et méthane (CH4). L’hydrogène n’existe donc quasi jamais non lié, d’où sa difficulté d’exploitation. En d’autres termes, la scission pour produire de l’hydrogène gazeux nécessite de l’énergie.
En résumé: pour pouvoir parler de systèmes renouvelables à l’hydrogène, deux conditions souvent oubliées s’appliquent: l’exploitation écologique de l’hydrogène gazeux proprement dite et le caractère renouvelable de l’énergie véhiculée par l’hydrogène.


Un exemple: une voiture à l’hydrogène n’est pas par définition une voiture écologique. C’est uniquement le cas si le processus d’exploitation de l’hydrogène et le milieu énergétique vecteur sont renouvelables. Il y a quelques mois, a amarré dans le port d’Anvers l’Energy Observer, un navire qui navigue à l’hydrogène. Les deux conditions sont respectées: l’hydrogène gazeux est extrait de l’eau de mer à bord. L’énergie utilisée provient de panneaux solaires et d’éoliennes sur le pont du navire et est utilisée pour la propulsion.
Eliminer l’Etape intermEdiaire
L’une des difficultés à surmonter est le processus de production de l’hydrogène. Divers méthodes existent, mais ce jour, cela s’est révélé être encore un processus peu écologique. Le processus de production le plus utilisé a aujourd’hui est ce qu’on appelle le reformage. Dans ce processus, un gaz tel que le méthane est exposé à une pression et une température élevées. La réaction qui en découle, résulte dans la formation d’hydrogène gazeux et … de CO2 comme produit secondaire. Vu la problématique du climat, nous ne pouvons guère qualifier ce processus de durable. D’autres méthodes sont la thermolyse et l’électrolyse. Cette dernière méthode reste une méthode souvent suivie pour la production durable de l’hydrogène, parce qu’elle permet de convertir l’électricité provenant de sources renouvelables. Dans le processus, un courant traverse l’eau, ce qui scinde le H2O en hydrogène gazeux et oxygène gazeux. Ici, il n’y a donc pas de résidu indésirable. Mais pourtant: cela reste une étape intermédiaire qui demande de l’énergie. Des scientifiques cherchent depuis plus longtemps des méthodes pour exploiter l’hydrogène de façon directe, car ceci améliore considérablement le rendement total. Avec les panneaux solaires photovoltaïques, le rendement oscille autour des 20%. Si ce rendement limité doit encore être converti pour produire l’hydrogène, c’est un processus peu efficace dans sa totalité.
Panneau solaire A l’hydrogEne
Il y a quelques mois, la KU Leuven a présenté un panneau solaire qui extrait l’hydrogène directement de l’air. Une percée spectaculaire, car comme nous l’avons écrit, l’hydrogène se présente rarement sous une forme pure. Le panneau solaire ressemble à un panneau photovoltaïque, mais le fonctionnement n’est pas identique. Dans le PV, la lumière solaire est convertie en électricité DC, ce panneau extrait la vapeur d’eau de l’air. Les électrodes dans le panneau à base de nickel et de fer scindent ensuite l’eau en hydrogène gazeux et en oxygène gazeux, puis une membrane veille à ce que les deux gaz restent séparés. Le prototype permet de produire 250 l d’hydrogène par jour. Les scientifiques soutiennent qu’une installation de 20 panneaux suffit pour alimenter en électricité et en chaleur un logement familial pendant un an.
Le stockage est
une autre paire de manches
Produire l’hydrogène est une chose, il doit aussi être disponible au moment où le consommateur en a besoin. Un réseau de distribution à grande échelle comme nous le connaissons du gaz et de l’électricité, fait défaut; aussi l’hydrogène est aujourd’hui principalement stocké sous pression dans des citernes spéciales. Le stockage liquide (cryogénique) est aussi possible, l’hydrogène étant stocké à -250 °C. Le lecteur attentif remarquera que les deux méthodes consommeront de l’énergie respectivement pour garder l’ensemble sous pression et pour assurer le refroidissement. Pour l’heure, les méthodes de stockage de l’hydrogène sont donc contraires à l’approvisionnement durable en énergie. La recherche en cette matière se concentre actuellement sur le stockage de l’hydrogène sous forme solide, mais les méthodes en sont encore à leurs balbutiements en termes d’applicabilité à grande échelle.
l’avenir?
Passerons-nous complètement à l’hydrogène à l’avenir? Cela se pourrait bien et de plus, c’est une question passionnante. Des pays tels que le Japon ont déjà établi une feuille de route qui doit accompagner l’évolution vers une économie d’hydrogène complète. Nous voyons que les constructeurs automobiles suivent avec attention les évolutions autour de l’hydrogène et de nombreuses recherches sont actuellement menées sur des formes plus efficaces de production, conversion et stockage. L’avenir de l’hydrogène semble donc prometteur, mais la forme définitive que prendra cette évolution, est encore inconnue.

Et pour l’installateur?
Qui installera ces systèmes? Une question à laquelle il est difficile de répondre, car dans la production, le stockage et la conversion, les évolutions technologiques sont bien avancées. Il semble logique que les électriciens installent les panneaux à hydrogène tels que ceux développés par la KU Leuven, vu notre expérience avec les panneaux photovoltaïques. C’est nettement moins le cas pour le placement des citernes de stockage de l’hydrogène. Les piles à combustible aujourd’hui disponibles qui fonctionnent encore au gaz naturel, ont seulement besoin d’un raccordement à l’eau et au gaz, ce qui met plutôt à l’honneur le plombier ici. Mais pour les électriciens, l’hydrogène est en tout cas une technique d’énergie qui mérite d’être suivie. La production décentralisée au niveau de l’habitation ou du quartier semble être l’avenir; aujourd’hui, nous voyons déjà l’évolution vers des systèmes off-grid tels que le stockage sur batterie. Le consommateur est donc mature pour ce genre de technologie. Pour les électriciens, il s’agira de se profiler comme le pivot central dans le comportement énergétique. Dans l’édition suivante, nous donnons la parole aux chercheurs de la KU Leuven qui nous en diront plus sur les développements les plus récents autour de leur panneau à hydrogène.

