DES ROUTES PLUS SILENCIEUSES, LE CRR Y TRAVAILLE
Mettre l'accent sur la recherche et le développement de solutions innovantes
Une perte de 61 millions d’années de vie saine. Voilà, selon les estimations, ce que coûte le bruit routier à 100 millions d’Européens occidentaux. L’effet de l’exposition au bruit routier ne se limite, en outre, pas à une 'gêne'. Cette exposition peut également avoir de nombreux autres effets négatifs comme le stress, des troubles du sommeil et de l’apprentissage et dans des cas exceptionnels même un traumatisme auditif. Il est aussi de plus en plus souvent prouvé scientifiquement que l’exposition au bruit routier peut vraiment rendre malade. Ces dernières décennies, on observe dès lors une inquiétude croissante chez les responsables politiques, les experts et le grand public.

D’OU LE BRUIT ROUTIER PROVIENT-IL?
Dès qu’une voiture roule à plus de 30 à 40 km/h, l’interaction des pneus avec le revêtement routier – le bruit de roulement – constitue la source de bruit dominante. D’autres sources sonores, comme le moteur, le pot d’échappement et le ventilateur, ne jouent quasiment plus de rôle. L’électrification attendue du parc automobile ne résoudra pas le problème du bruit routier. Dans le cas des camions et des bus, le bruit du moteur domine jusqu’à 50 à 60 km/h; au-delà de cette vitesse, le bruit des pneus prend ici aussi le dessus. Lors de l’apparition de bruit de roulement, la qualité acoustique du pneu et du revêtement jouent un rôle. Celle des pneus est réglementée au niveau européen; les propriétés du revêtement sont entre les mains du gestionnaire routier.
CRR: PIONNIER DANS LA LUTTE CONTRE LE BRUIT ROUTIER
Jusque vers les années 70, début des années 80 du siècle dernier, on n’accordait que peu d’attention à la qualité acoustique du revêtement routier. La durabilité et une bonne rugosité suffisaient. A cette époque, des revêtements solides, mais bruyants étaient donc posés. Avec le béton à striage transversal et l’asphalte douté, vivre à proximité d’une artère n’était dès lors pas une partie de plaisir.
A la fin des années 70, le phénomène du bruit de roulement était toutefois déjà étudié par le CRR. Cette recherche, en collaboration avec le VTI suédois, a mené en 1980 à la découverte des principaux mécanismes pour l’apparition du bruit de roulement et de l’influence de la texture du revêtement. Cette découverte a constitué la base du développement des revêtements silencieux actuels.
Les chercheurs du CRR ont aussi collaboré à une méthode pour le dénudage de béton, une technique pour rendre les revêtements en béton plus silencieux souvent appliquée en Belgique et dans d’autres pays européens.

TRAFIC PLUS SILENCIEUX AU CRR AUJOURD’HUI
Outre la recherche relative à d’autres caractéristiques de surface comme la rugosité et la résistance au roulement, le CRR reste actif avec son unité ‘Caractéristiques de Surface – Marquages routiers – Bruit’ dans le domaine du bruit routier. L’unité dispose d’instruments sophistiqués pour des mesures de bruit et de texture, utilisées pour évaluer la qualité acoustique des nouveaux revêtements posés entre autres comme planches d'essai. Le lien entre la texture et le bruit de roulement ainsi que la traduction en de nouveaux types de revêtements plus silencieux continuent à faire l’objet de recherches. Les revêtements silencieux sont une mesure à la source et sont donc aussi intéressants d’un point de vue économique. D’autre part, ils sont plus coûteux que les revêtements conventionnels et ont une longévité technique plus courte. En outre, la capacité de réduction du bruit diminue dans le temps. Le développement de revêtements routiers plus silencieux à un coût optimal reste dès lors un défi.
MESURER, C’EST SAVOIR
Il faut avant tout une méthode et du matériel de mesure permettant une mesure précise, reproductible et représentative de la qualité acoustique. Disposer de bons instruments est une ‘condition sine qua non’. Des revêtements silencieux ne peuvent, en effet, pas être développés si leur qualité acoustique ne peut pas être déterminée avec précision. Il existe deux méthodes standardisées ISO.

Méthode SPB
La méthode ‘Statistical Pass-By’ est la plus ancienne et consiste à mesurer le niveau sonore maximum et la vitesse d’un grand nombre de véhicules passant de manière aléatoire le long de la route à tester. On en déduit ensuite le niveau sonore maximal des voitures et camions à une vitesse de référence.
Cela donne une bonne idée de la qualité acoustique du revêtement routier à cet endroit spécifique. L’avantage de cette méthode, c’est qu’elle donne un résultat très représentatif et reproductible. Son inconvénient: elle prend beaucoup de temps et pose des exigences strictes à l’environnement de mesure.
Méthode CPX
La méthode ‘Close ProXimity’ est plus récente et fait rouler des pneus de référence, intégrés dans une remorque spéciale, à une vitesse de référence sur le revêtement. Le bruit est mesuré près du pneu, tant dans la frayée gauche que droite au moyen de deux microphones. Tous les 20 m, un niveau sonore moyen est enregistré.
Cette méthode étant rapide, de grands tronçons de route peuvent être testés en relativement peu de temps. L’homogénéité acoustique sur la longueur peut aussi être examinée. Des mesures sur une plus longue distance sont également possibles. La bande de droite d’une autoroute entière peut ainsi être mesurée en continu en quelques heures. Les inconvénients de cette méthode sont le coût d’investissement élevé et le besoin de personnel spécialisé pour commander l’instrument. La méthode CPX semble néanmoins devenir de plus en plus la méthode de référence.
Méthode CPX adaptée
Afin d’évaluer la production sonore de marquages en relief, le CRR a développé une version adaptée de la méthode CPX. Les marquages en relief sont utilisés de plus en plus comme marquage latéral d’autoroutes, en vue d’en améliorer la visibilité la nuit et en cas de pluie. Certains sont cependant très bruyants lors du passage, et peuvent occasionner des nuisances sonores dans les environs.

L’objectif est d’attribuer des labels acoustiques aux différents types, afin que le gestionnaire routier puisse faire un choix réfléchi, en tenant compte des conditions environnementales. La nouvelle méthode est décrite dans une Spécification Technique CEN qui devrait être publiée en 2020.
Mesures de texture
Les mesures de la qualité acoustique d’un revêtement routier sont souvent combinées avec des mesures de texture. Une mesure CPX ou SPB permet de déterminer le niveau sonore d’un revêtement et une mesure de texture en révèle la cause.
Le CRR dispose d’un profilomètre à laser ultrarapide pouvant être monté sur un véhicule de mesure et capable de mesurer tout en roulant le profil en deux dimensions. Le profilomètre est tellement rapide qu’une mesure peut être exécutée tous les millimètres à une vitesse de 200 km/h.
LE CRR AU SERVICE DU SECTEUR DE LA CONSTRUCTION ROUTIERE
Avec ses instruments uniques, la l'unité ‘Caractéristiques de surface - Marquages routiers – Bruit’ est avant tout au service du secteur de la construction routière belge. Les entrepreneurs et gestionnaires routiers peuvent faire mesurer la qualité acoustique de routes avec la méthode CPX et/ou SPB.
Wallonie
En Wallonie, le SPW fait actuellement dresser par le CRR la carte acoustique de tout son réseau autoroutier. Il sera bientôt possible de voir du premier coup d’œil quelles parties du réseau autoroutier wallon sont plus ou moins performantes sur le plan acoustique.

N19 Kasterlee
Sur la N19 à Kasterlee, des planches d'essai avec une mince couche d’asphalte antibruit ont été aménagés en 2012. Il s’agissait d’un projet commun de l’AWV et du CRR afin de déterminer dans quelle mesure des minces couches de roulement sur des routes régionales peuvent contribuer à une réduction du bruit routier. Le projet a notamment débouché sur l’introduction du revêtement AGT silencieux dans le cahier des charges standard flamand pour la construction routière SB 250.
StoLA
Le projet StoLA a été exécuté par un consortium de l’Université d’Anvers et du CRR, et étudiait les possibilités de minces couches de roulement pour réduire le bruit routier dans un milieu urbain. Le maître d’œuvre était la Ville d’Anvers, qui comme toutes les grandes villes est à la recherche de mesures économiques et efficaces pour satisfaire aux obligations de la directive européenne en matière de bruit.
REVISION ET AMELIORATION CONTINUE
Au fil des ans, le CRR a acquis énormément de savoir-faire dans le domaine de la mesure du niveau sonore et de la texture des revêtements routiers, et le met à la disposition de tous les groupes de travail CEN et ISO compétents. Les méthodes de mesure sont définies dans des normes européennes et internationales. Toutefois, une révision régulière s’impose afin de les actualiser et de les améliorer selon les expériences d’‘utilisateurs’, comme le CRR.
Une norme CEN est actuellement établie pour attribuer un label acoustique aux revêtements routiers tel qu’il existe déjà aujourd’hui pour les pneus. Les gestionnaires routiers seront ainsi mieux informés pour faire leur choix lors du remplacement d’un revêtement ou de l’aménagement d’une nouvelle chaussée.

REVETEMENTS SILENCIEUX INNOVANTS
Le CRR examine également des solutions innovantes ayant à court ou à plus long terme un potentiel pour rendre les routes belges plus silencieuses et donc plus respectueuses de l’environnement.
PERSUADE/NEREiDE
Le projet européen PERSUADE et le projet complémentaire LIFE-NEREiDE portent sur le revêtement poro-élastique, un type de revêtement innovant offrant une réduction acoustique inégalée et composé en partie de de pneus recyclés. La réduction du bruit est telle que ce revêtement peut constituer une alternative aux écrans antibruit. Sur la Noorderlaan à Gand, une planche d'essai a été posée en 2018 et réponds aux attentes en matière de réduction du bruit. Le défi majeur consiste toutefois à rendre ce revêtement suffisamment durable.
Next Generation Cement Concrete Surface
Le CRR accorde également de l’attention à un autre concept intéressant venu des Etats-Unis. La Next Generation Cement Concrete Surface, ou NGCS, est un revêtement routier en béton avec un profil composé de stries longitudinales fines et moins fines. La réduction du bruit obtenue est exceptionnelle. En témoignent les deux planches d’essai sur la N44 à Maldegem (2015). Sur un des deux tronçons, une belle réduction de 4,5 décibels était mesurée initialement, mais elle est passée dans le courant de la première année après l’aménagement à 2,5 décibels. Ce qui représente néanmoins toujours un beau résultat.
Dans le cadre du projet GHRANTE, le CRR cherche, en collaboration avec la KU Leuven, la VUB et Flamac, des solutions pour une diminution moins rapide de la réduction du bruit et une réduction initiale encore plus élevée.

MESURES DE TRANSMISSION INNOVANTES
Ces dernières décennies, on s’est surtout efforcé de rendre le revêtement routier plus silencieux, car cela est, en tant que mesure à la source, le plus intéressant sur le plan économique. Un inconvénient des revêtements silencieux est que la réduction du bruit est relativement limitée.
Toutefois, une réduction plus élevée s’impose parfois. Des mesures de transmission du bruit peuvent alors être prises, empêchant (en partie) la propagation des ondes sonores. Des exemples typiques de mesures de transmission sont les écrans antibruit et l’isolation acoustique des habitations.
Les diffracteurs offrent des perspectives
Ces dernières années, le champ d’action s’est étendu à de telles mesures. Les diffracteurs, une invention néerlandaise récente, offrent ainsi des perspectives très intéressantes. Les diffracteurs se composent d’une série de fentes de différentes profondeurs interagissant le long du bord de la route avec le bruit routier et déviant le bruit vers le haut. Les diffracteurs sur un écran bas (l’ensemble ne fait que 50 cm de hauteur) sont particulièrement intéressants, car ils semblent avoir le même effet que les écrans antibruit classiques de 4 m de hauteur. Un essai avec une section de test de 150 m de longueur est prévu au cours de l’été 2019 le long d’une route secondaire à Zele.