Stockage geothermique de chaleur solaire
D’ici peu des batiments completement neutres en energie grace au stockage dans le sol?
Durant les mois d’été, la chaleur solaire est présente gratuitement en abondance alors qu’en hiver, elle est largement insuffisante et il y a donc justement un important besoin d’énergie solaire. Il est dès lors logique et même indispensable de chercher des systèmes stockant l’énergie solaire en été, afin qu’elle puisse être utilisée pendant les mois d’hiver. Il n’y a qu’en stockant la chaleur à grande échelle pour des applications dans les entreprises et les habitations particulières que nous pourrons dans un proche avenir rendre les bâtiments neutres en énergie, ce qui est primordial dans le cadre des objectifs climatiques 2030 et 2050.
Efficacite energetique des capteurs solaires
Si le stockage d’électricité dans des batteries est entre-temps connu, le stockage de chaleur doit encore entamer sa progression. Le stockage d’électricité dans des batteries n’a pas un rendement énergétique très élevé car les panneaux photovoltaïques ont un rendement d’environ 20%. Cela signifie que 80% de l’énergie entrant sont encore perdus. Les capteurs solaires convertissent, en revanche, l’énergie solaire en chaleur et ont un rendement de capteur de 75%, voire plus. D’un point de vue énergétique, le capteur solaire constitue donc une meilleure forme de conversion d’énergie. C’est pourquoi cet article se concentre sur le stockage de chaleur dans le sol. En Belgique comme dans les pays voisins, des projets intéressants sont déjà en cours: avec l’utilisation de PCM (phase change materials), avec le réchauffement d’une très grosse masse d’eau dans des cuves en béton souterraines (le principe d’éco-réservoir, ou système ATES) ou avec un système de tuyaux complexe dans le sol, où de l’eau chaude est envoyée (système BTES).
Le potentiel reste sous-exploite
En Belgique, des capteurs solaires sont déjà souvent utilisés pour la production d’eau chaude sanitaire. Les installateurs déterminent alors le nombre de capteurs solaires nécessaire pour obtenir un taux d’exploitation de 50 à 60%. Le taux d’exploitation indique quelle part de la demande de chaleur totale annuelle est satisfaite par la chaleur solaire. Une configuration très classique est un réservoir de stockage avec maximum deux capteurs solaires, afin d’éviter toute surchauffe en été. En raison de ce facteur limitatif de surchauffe, nous ne pouvons pas exploiter l’énergie solaire entrant et présente en abondance en été de manière optimale. En posant plus de panneaux, le réservoir de stockage arrive, en effet, plus vite à température durant les chauds mois d’été et le système solaire se coupe de lui-même. Avec un réservoir de vidange, l’eau se trouvant dans le capteur solaire reflue vers ce réservoir, et il ne peut donc plus y avoir de transfert de chaleur.
Dans le cas d’un système à pression, la pompe arrête de faire circuler l’eau. La chaleur ne peut donc pas être transportée vers le réservoir de stockage.
Au niveau de quartiers, ou differentes habitations peuvent etre raccordees entre elles, il est interessant de placer plusieurs panneaux pour le stockage de chaleur
Panneau supplémentaire
Un capteur solaire supplémentaire signifie qu’aux entre-saisons, plus d’eau chaude est disponible, mais pose donc des problèmes en été. C’est pourquoi nous devons tenter de stocker cette énergie, présente en abondance en été, temporairement par exemple dans un réservoir ‘tampon’. Un seul panneau supplémentaire ne suffira bien sûr pas pour le stockage de chaleur mais si nous regardons au niveau de quartiers – district heating, où différentes habitations peuvent être raccordées entre elles, la pose de plusieurs panneaux constitue une hypothèse intéressante. Si nous nous basons sur un quartier résidentiel d’une cinquantaine d’habitations et que nous dotons chacune de 24 m² de panneaux solaires, soit environ 10 panneaux, nous obtenons d’un coup 1.200.000 kWh théoriques d’énergie gratuite par an.
En examinant la carte solaire de Flandre, nous pouvons, en effet, supposer que l’ensoleillement moyen en Flandre s’élève à 1.000 kWh/m².
En tenant compte du taux d’exploitation de 60%, on peut s’attendre à un rendement de 720.000 kWh de chaleur.
Stockage d’energie thermique via des trous perces
Le fonctionnement est analogue à celui des capteurs solaires pour la préparation d’eau chaude: un mélange de glycol circule à travers les différents capteurs solaires et absorbe l’énergie solaire. Le mélange de glycol chauffé atteint un échangeur thermique, où il transmet sa chaleur à un deuxième système rempli d’eau.
Durant les chauds mois d’été, l’eau chaude dégagera sa chaleur dans le sol via différents trous percés. On parle d’un système BTES (Borehole Thermal Energy Storage). La profondeur des trous est souvent limitée à maximum 35 à 50 m.
Sol adéquat
Tous les sols ne conviennent pas aussi bien pour le stockage de chaleur. Il faut donc examiner les propriétés thermiques locales du sol (notamment conductibilité thermique).
Pour pouvoir capter la chaleur correctement, il peut, en outre, s’avérer nécessaire de prévoir un genre d’isolation sous la forme d’un écran en polyéthylène.
Dans un exemple de 50 habitations avec au total 500 capteurs solaires, cela signifie qu’il faut 110 trous de 35 m. La distance entre les différents trous est de 4 m. On obtient ainsi tout un champ capteur de trous.
L’eau chaude est amenée vers le milieu du champ capteur, où elle transmet sa chaleur au sol. De là, cette chaleur se diffusera vers l’extérieur. Le champ capteur peut ensuite être recouvert d’une couche de sable et il est possible d’y aménager un beau (petit) parc naturel.
Projet Excess
Début octobre 2019, le projet H2020 Excess a été lancé à Graz, en Autriche. Ce projet rassemble 21 partenaires issus de 8 pays européens et est coordonné par l’institut Joanneum Research.
L’objectif du projet s’étalant sur quatre ans consiste à démontrer qu’il est possible de transformer des habitations quasiment neutres en énergie en bâtiments à énergie positive (Positive Energy Buildings ou PEB).
Dans notre pays, la démonstration se déroule à Hasselt. EnergyVille/VITO collabore pour cela avec la société de logement social Cordium. “Les habitations de Cordium (voir photo ci-dessous) sont raccordées à un réseau de chaleur alimenté par différentes sources de chaleur, comme la géothermie peu profonde et la chaleur solaire”, expliquent Johan Van Bael et Koen Allaerts d’EnergyVille/VITO. “De la chaleur solaire sera ainsi notamment stockée dans un système BTES. Un stockage d’énergie thermique est également prévu dans chaque habitation afin d’accroître encore la flexibilité et d’exploiter de manière optimale toute l’énergie disponible.”
Temperature d’injection maximale
Il y a toutefois un facteur restrictif dans la législation VLAREM, stipulant que la température d’injection maximale dans le sol doit rester limitée à 25 °C. Cette température n’a pas de base théorique ou pratique. Nous ignorons donc l’origine de cette valeur. Chez nos voisins, une même valeur de température (parfois un peu plus élevée) est toutefois d’application. Apparemment, notre planète ne réagirait pas très bien à l’injection d’eau trop chaude à une profondeur de 50 mètres.
Différents scientifiques en Belgique et à l’étranger tentent de voir si cette température pourrait éventuellement être légèrement augmentée. Cela n’est pas un détail car beaucoup de chaleur est ainsi perdue aujourd’hui.
Surtout dans les zonings industriels, où quelque 70% de la chaleur résiduelle sont perdus. Il serait bien entendu bien plus efficace sur le plan énergétique de collecter cette chaleur résiduelle et de la stocker dans le sol pour une utilisation ultérieure.
Par chaleur résiduelle, nous entendons notamment la chaleur d’évaporation des tours de refroidissement et la chaleur provenant des gaz de combustion.
Thermal storage tanks
Pour abaisser les températures élevées, provenant des capteurs solaires, à une température d’injection acceptable pour le sol, il faut travailler avec des réservoirs de stockage, des short term thermal storage tanks.
Imaginons par exemple que vous ayez deux réservoirs de stockage d’environ 120 m³ chacun. Les réservoirs de stockage cylindriques d’environ 3,8 m de diamètre et 11 m de hauteur peuvent être placés dans un ‘espace technique’, près du champ capteur avec tous les trous.
En plaçant un échangeur thermique dans les réservoirs de stockage, la température d’injection peut rester limitée à environ 25 °C.
On obtient de cette manière une température élevée avec le stockage de chaleur dans les réservoirs pour utilisation à court terme et pour absorber les pics, et une basse température avec le stockage dans le sol pour une utilisation à long terme.
Avec le stockage d’énergie thermique dans de grands réservoirs, vous créez donc une certaine ‘flexibilité’ au niveau des différents circuits y étant raccordés (sur le plan de la température et du débit).

Tester la faisabilite via des projets pilotes
De tels systèmes existent déjà à l’étranger et y prouvent leur efficacité. Pour garantir la rentabilité d’un tel système en Flandre, il faut examiner si la température dans le sol ne peut pas être plus élevée.
Lors du European Geothermal Congress en juin 2019, on a par exemple proposé de tendre vers une ‘température de conservation’ de 40 °C. D’autres études devront indiquer où et comment nous pouvons lancer des projets pilotes de ce type.
Un projet pilote est très important en vue de démontrer via des mesures que de tels systèmes sont possibles et réalisables (voir encadré).
Production de chaleur complémentaire
En Flandre, un stockage à long terme à 25 °C dans le sol n’est pas assez élevé pour être sûrs de pouvoir chauffer toutes les habitations en hiver. Une production de chaleur complémentaire sera nécessaire. Pour cela, une pompe à chaleur sol/eau pourrait être utilisée. Du côté source, il y aurait alors une température de 25 °C et du côté dégagement de 35 °C, ce qui suffit pour le chauffage par le sol ou des radiateurs à basse température.
Avec un stockage de chaleur géothermique combiné à une pompe à chaleur sol/eau, il doit être possible d’aboutir à des habitations neutres en énergie, surtout au niveau de quartiers.